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  • Photo du rédacteurRichard Monette

Le petit garçon cassé


Il est tard et il pleut. Il est tard comme lorsqu’il est temps de laisser fuir la recherche du jour, comme lorsque la pluie a un goût amer d’un sel de paupières lourdes, comme lorsque les yeux mouillés se noient. Ce n'est pas qu'il a peur, de quoi devrait-il avoir peur ? Non, mais il a froid. C'est dans le dos qu'il a froid. Il fait noir aussi et il est seul. Seul comme un enfant pétrifié, impassible aux intempéries. Il n’y a personne à ses côtés. Derrière, il n'y a que le froid, le froid dans le dos, et devant, il n’y voit que du noir, le noir dans son crane de caverne. Il souffre dans cette nuit froide de noire.


Est- ce long le noir ? Est-ce qu’il va durer longtemps ce noir ? Il se fait tard et il se fait peu, trop peu de ce monde dans ce faible éclairage morne. Il ne voit pas la lumière au bout... Au bout de quoi ? Il n'y a même pas de tunnel. Il n'y a pas de lune non plus. Parce qu'il pleut et qu'il tremble jusque dans son cœur qui est sans tunnel, qui est sans lune, il reste figé comme un bonhomme de neige que le verglas n’enveloppe pas, mais ronge.


C’est un paysage fragile de givre lourd comme l’est l’absence. Sans le voir, il tremble devant un mur de bois pourri qui va se désintégrer par l'immobilité d’un temps agressif. Tout est roide, prêt à ployer. Tout est froid, près à craquer. Tout est noir, après.


Il veut fuir. Il sait qu’il peut s’enfuir par une fenêtre ouverte ou celle qu'il aura brisée. Il comprend qu’il peut se dérober par la porte oubliée entrebâillée. Il peut s’enfuir délaissant ses liens, mais il en a marre de mourir sans témoins, à répétition, dans sa cervelle d’esseulé. La vérité, glaciale est cachée comme un iceberg fondant sous l’averse, coulant dans ses mains, sur ses doigts jusqu’à la pointe du crayon qu’il n’a jamais abandonné, se fige soudain comme lui, devant une révélation, épée de Damoclès au dessus de son âme. Il ne peut se sauver de l'absence de tout, de n'importe quoi, non plus de la présence de rien. Il ne peut que déguerpir sans succès. Ça ne sert à rien de détaler devant rien, alors il reste là, un pas à la fois, une douzaine de pas à la dizaine de minutes à la fois. Il ne va nulle part.


Il est tard, il pleut et il a froid, seul. Ça existe la peur faisant fondre les liaisons des êtres entre eux.


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